SOPHIE FORTE
auteure, comédienne et marraine
SUR LE FIL
Association Val de Luynes Evènements. Comme vous nous l’avez évoqué dans votre Edito, puisque le théâtre n’est pas venu à vous, vous êtes venue au théâtre en écrivant vous-même cette 1ère pièce « Sur le Fil » il y a 20 ans. C’est un exercice cependant pas facile, de quoi vous êtes-vous inspirée pour écrire cette comédie romantique moderne ?
Sophie Forte : En fait, c’est une histoire d’amour tout simplement ; cette comédie qui m’est arrivée, alors pas vraiment comme je la raconte sur scène, mais en tout cas, j’ai vécu une situation un peu similaire.
Je ne gâche rien de la surprise en disant que c’est une histoire entre deux personnes qui ne se voient pas et qui ne communiquent que par téléphone, et ça m’est arrivé. Alors le personnage ne ressemble pas du tout à celui que j’ai inventé ensuite et il n’y a pas eu la même fin, mais disons qu’après avoir vécu cette histoire, j’ai eu l’idée d’écrire cette pièce.
Alors aujourd’hui ça parait très normal avec les rencontres sur les réseaux, mais à l’époque c’était quand même il y a 20 ans cette 1ère édition, et c’était beaucoup moins développé tout ça.
Pourquoi aviez-vous envie de reprendre cette pièce aujourd’hui ?
S.F : Je suis très heureuse de remonter cette pièce aujourd’hui car on l’a beaucoup jouée à l’époque mais bon, à un moment donné comme toute pièce, l’aventure s’arrête. Mais c’est vrai que ce soit aussi bien mon producteur Thibault Vignère, mon comédien Philippe Sivy ou Anne Bourgeois qui avait fait la mise en scène, on était tous toujours très partants pour la remonter mais bon on n’était pas libres tous au même moment, et finalement tout s’est décanté l’année dernière et on a réussi à la monter pour Avignon l’été dernier.
Qui en a eu l’idée : vous ou Anne Bourgeois ?
S.F : On est amies dans la vie, on a décidé tous ensemble. A chaque fois qu’on se voyait pour un diner, on se disait « Oh cette pièce il faut vraiment qu’on la rejoue, on a tellement aimé la jouer ensemble ! ». Vous savez c’est comme ça dans ce métier, c’est un peu difficile, quand parfois on a une équipe de cœur avec qui on partage une si belle aventure, quand ça s’arrête on a l’impression de perdre quelqu’un de la famille, c’est dur à chaque fois, c’est comme un petit deuil. Et c’est vrai que jouer avec Philippe que j’aime beaucoup, travailler avec Anne que j’adore, mon producteur Thibault avec qui je travaille depuis 20 ans puisqu’il a monté aussi mes autres pièces, on avait envie de retravailler tous ensemble et puis cette pièce avait bien marché donc je me suis dit pourquoi ça ne continuerait pas à bien marcher après tout !
L’écriture a été remodelée et adaptée, quelles sont les grandes différences ?
S.F : On a vieilli, il a fallu faire quelques petits réajustements…
Dans la 1ère, nous avions affaire à un garçon qui mentait beaucoup et une jeune fille qui était extrêmement naïve et qui gobait tout ce qu’il lui racontait. Alors qu’aujourd’hui on a affaire à deux menteurs, elle a vieilli, elle a pris de la bouteille alors elle ne se laisse plus avoir aussi facilement.
Et du coup, quelle version préférez-vous ?
S.F : Ah moi, je préfère toujours mes dernières versions, car à force, avec l’expérience, on aiguise son écriture, on amène le spectateur vers des choses beaucoup plus nuancées et c’est vers ce travail- là que je tends. J’aimerais bien avoir une écriture de plus en plus ciselée, touchante et de plus en plus drôle et être en perpétuelle évolution, ce qui n’est pas facile à faire mais en tout cas je m’y attèle.
Lors de la 1ère édition, vous partagiez déjà l’affiche avec Philippe Sivy, 20 ans après comment votre duo fonctionne-t-il ?
S.F : Toujours aussi bien, incroyablement, on a toujours la même fraicheur, c’est ça qui est amusant. On s’aime bien dans la vie, on aime bien cette pièce et à chaque fois on retrouve l’élan. C’est important l’élan, car parfois on peut se lasser et c’est difficile d’embarquer les spectateurs dans une histoire à laquelle on ne croit plus. Alors que là j’ai l’impression qu’on a retrouvé la même fraicheur et ça ce n’était pas gagné. Je suis très heureuse et on s’amuse beaucoup, je ne vois pas comment on pourrait amuser les gens si on ne s’amuse pas soi-même, en tout cas, moi si je me lasse de quelque chose, je m’arrête parce que je me dis « Comment je vais séduire les gens si moi-même je n’ai pas le plaisir de jouer ?». On est en communion avec le public, on n’est pas juste en train de jouer quelque chose pour nous-mêmes, il se passe quelque chose avec la salle, on donne mais on veut recevoir aussi et pour ça il faut qu’on soit capable de donner, qu’on s’amuse et qu’on s’aime bien et que ce soit gai et qu’on rigole, c’est ça la vie.
Qu’est-ce que votre maturité respective apporte à votre jeu ?
S.F : Peut-être qu’il y a un côté un peu plus dramatique et dans la façon d’interpréter les personnages, il y a quelque chose de plus subtil parfois et peut-être plus drôle d’ailleurs car je vois quand même que les gens rient beaucoup.
En plus avant ça finissait atrocement mal…alors que là…oups je ne vous dis rien !
Sophie « 1001 vies », comédienne, auteure, chroniqueuse de radio et télévision, seule en scène, chanteuse ; Qu’aimeriez-vous encore aujourd’hui ajouté à votre carrière ou à votre vie ?
S.F : Alors, moi mon rêve à la base, c’était d’écrire, j’ai toujours adoré écrire quand j’étais petite, je passais ma vie à ça, j’espérais secrètement (parce que c’était un rêve à l’époque) en faire mon métier. J’ai publié déjà trois livres et j’aimerais vraiment continuer à être publiée, à séduire les lecteurs à travers mon écriture de livre, ça vraiment j’adorerais.
Et puis j’aimerais bien qu’on fasse davantage confiance au cinéma parce que figurez-vous que je ne croule pas sous les rôles. Vous savez, on est dans des cases, c’est toujours le même problème en France, je suis dans la case théâtre.
C’est peut-être plus facile de passer du cinéma au théâtre ; l’inverse est peut-être plus difficile, qu’en pensez–vous ?
S.F : C’est possible ou alors c’est moi qui n’ai pas réussi, je ne veux pas faire de généralités. Il y a des comédiens qui jouent aussi bien au théâtre qu’au cinéma et tant mieux c’est génial pour eux !
Moi, ma vie de famille m’importe beaucoup et je n’ai pas voulu faire de concessions, j’ai voulu vivre bien plusieurs vies et pas partir des mois en tournage loin de mes enfants. C’est vrai qu’en fait, mon mode de vie me correspond bien parce qu’il me permet de bien profiter de ma famille et de faire le métier que j’aime. Mais les filles vont bientôt partir et il sera temps pour moi de faire du cinéma…je pourrai par exemple jouer les rôles de Denise Grey.
Votre actualité estivale, c’est certes notre festival et nous sommes ravis et honorés de vous avoir comme marraine, mais c’est surtout le festival d’Avignon avec votre seule en scène « La Valise » et la pièce « Ciao amore » mise en scène par Virginie Lemoine. Comment se prépare-t-on pour Avignon ?
S.F : Alors « Ciao Amore », ce n’est pas monté, on est encore dans les répétitions, ce sera plutôt pour 2025.
Mais par contre, « La valise », c’est vraiment d’actualité puisque j’ai eu la chance d’aller à San Francisco pour le monter, c’est vraiment la classe ! C’était génial, il y un très beau théâtre là-bas qui accueille beaucoup de francophones, donc j’ai eu la chance de le faire en français. C’est un seule en scène, je n’en avais pas fait depuis plus de vingt ans. J’y suis revenue un peu par hasard, ce n’était pas mon souhait au départ mais les choses se sont enclenchées suite au livre « La valise » que j’ai adapté pour le théâtre. Ce n’’était pas prévu mais c’est souvent comme ça avec moi quand je prévois des choses, ça ne marche pas ; quand je me laisse guider au vent, c’est là que tout s’enchaine et que tout arrive. Je ne pensais vraiment pas faire Avignon avec ça mais je suis très heureuse de le jouer à Avignon.
Comment on se prépare ? Je ne sais pas en fait, de toute façon, il faut un mental d’acier pour faire ce métier et en même temps il faut une grande sensibilité pour transmettre des émotions et interpréter des rôles.
Il faut aussi une force surhumaine, surtout pour le seul en scène parce que c’est physique quand même, c’est une vraie performance. Je vais arrêter, je crois, de manger tous ces chocolats, je vais essayer de courir un peu sur les bords de Seine. Avignon est très éprouvant parce qu’on joue sans relâche quasiment, parce qu’il fait chaud et puis on a le trac, même si on est connus. Il y a 2000 spectacles, c’est un truc de fou, il faut attirer les gens, il faut aller les chercher. Alors moi, ça ne me dérange pas, contrairement à d’autres comédiens qui trouvent ça dégradant, parce que j’aime aller à la rencontre de spectateurs ; discuter avec eux, m’inviter aux terrasses de café avec des gens, ça me fait marrer.
On s’amuse beaucoup à Avignon, on y voit beaucoup d’amis, moi j’y vais avec mes filles, elles voient plein de spectacles, c’est une ouverture d’esprit, Avignon, c’est des leçons aussi parce qu’on voit parfois des pièces qui nous subjuguent donc on apprend beaucoup, c’est génial, c’est un gros bouillon de culture avec plein de gens, plein de rencontres.
Avignon reste-il toujours un passage obligé malgré votre notoriété ?
S.F : Non, je ne pense pas, c’est un choix. I y a des gens qui s’en sortent très bien sans le faire. Il y a plein de façons de faire ce métier. Il y a des comédiens par exemple qui ne jouent qu’en Province, qui sont très connus dans leur région et qui fonctionnent très bien.
Il y a des gens qui ne font que le « off », mais c’est génial le « off », il y a des pépites, des créations incroyables, c’est génial, il faut aller voir tous ces spectacles. Moi j’adore Avignon.
Ma dernière question s’adresse à notre « bonne fée » : qu’aimeriez-vous dire à nos festivaliers et à nos bénévoles ?
S.F : J’aimerais dire que le festival dure le plus longtemps possible, on est dans une époque où on nous enlève tout un tas de subventions, c’est de plus en plus difficile notre métier, il n’y a plus de budget, il y a de plus en plus de festivals qui disparaissent alors je souhaite que le vôtre dure toujours !
Bravo pour votre organisation ! Les festivals, c’est super, ça rassemble ! J’ai hâte !
Interview Virginie Doriot
Bénévole au Festival de théâtre en Val de Luynes.
Pour plus d’infos, consulter le site de Sophie Forte : https://www.sophieforte.fr/sur-le-fil