Hélène SERRES et Corinne BERRON

Auteures

 

ET PENDANT CE TEMPS SIMONE VEILLE

Association Val de Luynes Evènements. Bonsoir Hélène et Corinne, pouvez-vous en quelques mots nous faire connaître votre parcours et votre rencontre ? 
Hélène Serres: En quelques mots, ça fait 30 ans qu’on travaille ensemble, qu’on a créé la troupe du Pompon, 30 ans qu’on écrit des spectacles avec Corinne, sur des sujets de fond, de société et toujours des comédies.

Parlez-nous justement de cette rencontre : écrire à 4 mains, voire plus comme sur cette pièce, est-ce plus difficile que chacune chez soi en solitaire ? 
H.S : Sur cette pièce, nous étions 5 à écrire. L’idéal pour nous c’est d’écrire à 2. Nous, avec Corinne, on est un vrai duo, c’est facile. Cette écriture à 5 sur Simone Veil a été plus compliquée, ne serait-ce que pour les plannings. Ça s’est fait, le spectacle est sorti. C’était une expérience. Belle expérience.

Quel a été le déclic pour écrire cette pièce ?
H.S. C.B : Le déclic a été l’affaire Strauss-Kahn, du Sofitel de New York. On a quand même entendu dans les médias des choses qu’on n’espérait pas entendre, du style : « Ça va, c’est bon, c’est du troussage de soubrette, en plus elle est moche ». On a eu droit à tous les poncifs patriarcaux. C’est ça qui nous a mis en colère. On s’est dit qu’on ne devait plus entendre ça. Il faut défendre nos droits et c’est comme ça qu’on est parties sur cette rétrospective. On s’est dit aussi : « Mais où en sommes-nous ? » Là, on était en 2011, on a bien vu aussi qu’il y a eu #MeToo, mais bien plus tard, on a bien vu en 2011 que les hommes se défendaient ; en fait, il n’y avait que les femmes pour dire : « Mais cette femme, il lui est peut-être arrivé quelque chose ? » et on s’est dit que c’était peut-être le moment de faire un état des lieux du féminisme et des droits des femmes en France. Pour ça, on va quand même revenir aux années 50, 70 et 90 et  aujourd’hui voir cette évolution, où on en est.

Quels traits de caractère de Simone Veil garderiez-vous ou aimeriez-vous transmettre à des jeunes filles de votre entourage ?
H.S. C.B : C’est une femme qui a eu un destin, une vie extraordinaire, dans le sens littéral de extra- ordinaire.  C’est émancipateur pour les jeunes filles de se dire que tout est possible. Absolument tout est possible et sa vie n’est que ça. En passant de déportée, en passant par la Présidence de l’Europe, par le Ministère de la Santé, tout est possible et c’est un exemple en ça. On n’a pas à se résigner.
Moi je dirais que l’important c’est le courage dont elle a fait preuve. On est dans des temps de victimisation, tout le monde se victimise, tout le monde se met du côté de la victime, de la plainte. Elle, elle a assumé tout ce qu’elle a fait.

Une autre pièce sur Simone Veil tourne aussi, des films aussi : que voulez-vous que le public garde comme image de cette grande femme politique et quel message doit-il garder en tête ?
H.S. C.B : Que le combat continue.
C’est jamais fini, c’est un éternel recommencement et tout le monde peut y participer.
Ce texte parle à toutes les générations mais les plus jeunes ont tout à apprendre.

Comment avez-vous travaillé pour que la nouvelle génération se sente concernée? Car le constat peut être déprimant. Les changements sont lents.
H.S. C.B : On s’est basées sur l’humour. L’idée c’est qu’avec l’humour, on apprend les choses beaucoup plus facilement. La pédagogie s’installe et la pièce a le mérite de ne pas s’adresser qu’aux jeunes, mais aussi aux hommes et aux femmes, qui n’ont pas tous bien compris, qui ne se rendent pas compte du chemin parcouru. Et c’est ça, cette pédagogie par l’humour, ce que n’était pas Simone Veil dans la vie, ce n’était pas quelqu’un de drôle, mais la pièce ne parle pas d’elle, on l’évoque, le sujet n’est pas là, on joue sur le titre. Cette rétrospective, c’est de l’humour pour apprendre et se souvenir.
C’est très factuel, on voit l’importance des combats et la fragilité des acquis.

Mais nous voyons que les combats n’ont pas à avoir de sexe ?
H.S. C.B : Exactement, ce qu’on sait maintenant, cela fait douze ans qu’on exploite cette pièce, on sait que les hommes accompagnent leurs femmes, car ce sont elles qui vont au théâtre et ils traînent un peu les pieds. Et ils en ressortent et ce sont les premiers à nous féliciter. Ça veut dire que le travail est bien fait.
Mais c’est grâce à l’humour et aussi parce que cette pièce n’est pas à charge sur les hommes. C’est en ça qu’on a réussi une petite pirouette fantastique, sans s’en rendre compte, mais c’est notre grande récompense.

C’est aussi pour ça que le festival la reprogramme, car depuis le dernier passage, les gens nous la réclament.
H.S. C.B : Oui c’est vrai, Sylvie me le dit chaque année. On est assez fières de revenir pour les 20 ans, ça nous fait hyper plaisir, car d’abord le festival est vachement bien et nous ça nous fait très plaisir.

Avez-vous une anecdote à nous raconter au sujet de cette pièce ?
H.S. C.B : Une anecdote assez émouvante : c’est le jour où Simone Veil est venue voir le spectacle.
Elle est venue avec ses fils, elle est arrivée avant tout le monde. On l’a saluée, mais elle ne savait pas trop ce qu’elle allait voir, donc comme c’était quelqu’un de très réservé, ses fils aussi, elle s’est assise au fond et à la sortie, tout le monde a vu que Simone Veil était là ; c’est quelqu’un qui fait quand même l’unanimité, sauf pour quelques abrutis. Tout le monde est sorti, Simone Veil en dernier et nous, on est allées la voir, ses fils nous ont embrassées en disant que la pièce était formidable, drôle, intelligente. Autant ils étaient sur la réserve à l’arrivée, autant, ils étaient très contents à la fin du spectacle. Pour nous aussi, c’était très tendu au début. Puis on est sorties dehors avec elle et là c’était comme au Festival de Cannes, il y avait les cent quarante personnes, la salle entière avec leur téléphone portable en train d’attendre Simone Veil pour prendre une photo. Et sur toutes ces photos prises, on n’en a une qu’une seule de bien ! Le plus drôle, c’était que ça se passait à Pigalle, vraiment pas le lieu, en face du sexodrome. C’était le tout début de l’exploitation du spectacle avec l’équipe d’origine et là on s’est dit, ça y est, on y est, Simone Veil est là. On était arrivées au bout du chemin, mais non, car le spectacle a été tellement sollicité qu’on a joué, encore joué. C’était un moment magnifique.

Vous devenez des habituées de notre festival. Que préférez-vous lors de votre court séjour ?
H.S. C.B : Moi je préfère le temps, il fait toujours très beau, c’est pas mal et le côté champêtre. On joue à l’extérieur et c’est ce côté champêtre que je préfère.
On a un accueil formidable et l’organisation de dingue, pour monter les chaises, la scène, une organisation hyper professionnelle, on est aux petits oignons avec nous avec que des gens gentils. Et après le spectacle, prendre un verre avec le public, on peut débattre avec lui car il y a toujours des sujets de société dans nos pièces, Les gens viennent nous parler, le sujet étant une comédie, ça reste très sympa.

Je vous remercie pour cette double interview. Avez-vous quelque chose à rajouter ?
H.S. C.B : Oui, entre le moment où on a créé le spectacle en 2012 et aujourd’hui, on va dire qu’il est apparu beaucoup de mouvements féministes contradictoires, et nous défendons un féminisme universaliste, et c’est ce mot qui est important.

Interview Valérie Petitpez
Bénévole au Festival de théâtre en Val de Luynes.

Pour plus d’infos, consulter le site de la compagnie : http://www.lepompon.net/

Aller au contenu principal