Philippe ROLLAND

Comédien

Le Prénom 

Affiche de la pièce

Association Val de Luynes Evènements. Vous êtes à l’origine de la création de la compagnie Les Arthurs ; si vous deviez faire un bilan de ces 25 dernières années, que retiendriez-vous ? 
Philippe Rolland. C’est que de la satisfaction et du grand bonheur parce qu’en fait, quand on a créé cette compagnie, on n’croyait pas au début que ça allait perdurer, que notre travail allait porter ses fruits ; on partait vraiment à l’aventure comme ça.
Il s’avère qu’à force d’huile de coude, de travail, de persévérance, nos efforts ont payé et plutôt bien. On est plutôt satisfaits. Ce qui fait que maintenant, non seulement on arrive à bien travailler mais notre travail est reconnu par les spectateurs, par nos pairs, par ceux qui nous entourent.
On est très satisfaits de ça,  on est très contents non seulement d’être passionnés par ce qu’on fait mais aussi de vivre de cette passion parce que c’est pas donné à tout le monde non plus.
Jouée près de 250 fois depuis 2010, porté à l’écran en 2012, Le prénom est déjà un classique de la comédie. Comment expliquez-vous l’engouement du public pour cette pièce ? 
P.R. Je ne sais pas si vous vous souvenez d’une pièce qui s’appelait Un air de famille qui avait été écrite par Jaoui et Bacri à l’époque qui était un peu cette espèce de critique familiale et sociale; on était dans le corrosif, on était dans la comédie assez pinçante ; il y avait déjà quand elle est sortie, ce processus, un peu d’identification de chacun ; quand on voyait cette pièce, on se disait : « Tiens, je me retrouve un peu ou j’ai déjà vécu ce type de situation ou alors les personnages qui sont là-dedans, j’en ai au moins 1 ou 2 que je connais, qui ressemble un peu à ça ». Effectivement, c’est cette espèce de déchirement, un peu familial et amical.
En plus, le fait de ce succès-là, c’est que c’est écrit merveilleusement; Delaporte et De La Patelière ont écrit un texte merveilleux, c’est ciselé. Il y a une évolution.
Le prénom n’est en fait qu’un prétexte.
Au niveau dramatique, c’est fabuleux ; il y a une dramaturgie là-dedans qui est fabuleuse.
C’est une comédie certes, c’est pas une comédie de boulevard, c’est une comédie dramatique.
Un peu comme dans Un air de famille , il y a ce succès ; on rit beaucoup mais du désespoir et de la détresse de certains personnages.
Et je crois, c’est d’ailleurs ce qui les a poussés à en faire une adaptation cinématographique ; à l’origine, c’était une pièce ; ils ont eu un tel succès et bien on va en faire un film, que je trouve très bien aussi.
Le film était très très bon aussi.
Ça ne m’étonne pas que ce soit un grand succès parce que c’est vraiment très très bien écrit. 
Comme pour toutes les histoires basées sur un huis-clos, les versions cinéma et théâtre se rapprochent. En quoi, la scène vous permet-elle de servir davantage le texte ?
P.R. De toutes façons, quand on est sur une démarche de spectacle vivant, comme son nom l’indique, le texte est servi de manière différente, pas moins bien, pas mieux, c’est différent et je pense que là, le contact, le rapport direct qu’il y a entre les spectateurs et nous, c’est ça qui est magique en fait parce que y’a pas de filtre, y’a pas de filet comme au cirque, s’il y a une chute, on tombe ;  il y a ce côté réel et palpable véritablement du spectateur qui dit, ben, là on est à 5m, 10m, 15m de ce qui se passe là, à l’heure actuelle, maintenant.
C’est pas filmé, c’est pas retranscrit, c’est pas différé, y’a pas de coupes, c’est du sans filet,  c’est du direct, c’est la magie du spectacle vivant.
Le texte, voilà, non seulement, il sort très bien à l’écran mais alors sur une pièce de théâtre, il y a la vérité des sentiments, la vérité des personnages ; cette espèce de spontanéité qu’on a peut-être un peu moins devant les écrans et qui est plus présente sur une scène.
Et est-ce que vous laissez une part à l’improvisation ?
P.R. C’est compliqué, sur une pièce comme ça, l’impro ; c’est tellement ciselé, c’est réglé à la virgule ;
Il y a des temps, y’a des silences, y’a des regards, partir sur l’impro, là, c’est dangereux, moi, je ne m’y frotterai pas.
Oui, c’est vraiment fonction des pièces,
P.R. Oui, mais là ce n’est pas le propos.
Dans le rôle de Vincent, vous êtes le maître de la soirée ; à tout moment, vous pouvez arrêter le jeu, ce que vous ne faites pas ou tard, quel est votre but ?
P.R. Je crois que le but et Claude notre ami musicien le dit très souvent : « Mais vous jouez à ça tout le temps, en fait, tous les 2 !».
Entre Pierre mon beau-frère et moi, il y a systématiquement cette espèce de joutes verbales.
Donc quel que soit le thème, là c’est le prénom, demain on va parler de La Palestine, après-demain on va parler de la mort programmée, après on va parler d’accouchement, après on va parler de l’avortement, en fait, il y aura toujours l’un ou l’autre qui va lancer une polémique et qui va se faire l’avocat du diable, même s’il sait qu’il est de l’avis de l’autre. Il va dire « Ben, tiens, pour t’emmerder ce soir, j’vais penser le contraire de toi » et puis c’est parti et on y va et là c’est les 2 coqs l’un en face de l‘autre ; ils le disent à chaque fois, les autres: « Vous nous saoulez ! »
Les premières lectures, je me suis dit, « Mais c’est pas possible,  je n’ai jamais assisté à un dîner comme ça, un diner comme ça, je prends mes clés de voiture et je me barre. »
Et en fait, non, ils aiment ça, c’est un jeu sauf que ce jeu va un peu plus loin et moi mon but, Vincent, c’est de pousser, pousser mon beau-frère au bout, au bout, jusqu’à ce qu’il craque. Et je vais trop loin et c’est jubilatoire ; j’arrête le jeu un peu trop tard.
C’est un peu de la provocation entre vous 2?
P.R. C’est totalement ça parce que je sais que lui, c’est un intello de gauche, il est prof à la Sorbonne, il lit beaucoup et moi, j’ai cette arrogance comme il dit, j’ai mon 4/4 et le Figaro dans les mains ; je suis un peu de droite, voire même totalement ; j’ai cette arrogance où je dis « Vous les socialistes, les pauvres, je les emmerde, vous êtes toujours comme ça et vous serez toujours comme ça. »
Il y a cette espèce d’attaque, même si je les aime beaucoup, même si je les aime profondément, il y a cette espèce de jeu qui est insupportable chez lui, cette arrogance et cette insolence.
Ce débat est-il finalement libérateur, est – ce que vous pensez que c’est une occasion pour chacun d’entre vous d’évacuer un peu vos rancœurs ?
P.R. Je ne pense pas, parce que ce débat-là, il aura lieu la semaine prochaine ; ils repartiront sur autre chose ; libérateur pas du tout, enfin ils vont chacun se dire leurs vérités oui mais comme je le dis à la fin sur mon monologue, « Voilà j’étais persuadé qu’après les coups et les maux portés, il y aurait un avant et un après » et je continue en disant : « et pourtant la vie a repris son cours ; ma femme a accouché, ils sont tous venus à la clinique voir mon enfant, on a parlé du prénom, etc., etc. et en fait la vie reprend comme avant » ; c’est libérateur spontanément mais ça ne change rien, personne ne bouge.
Ponctuellement, on dirait, pour la soirée et vous recommencez la semaine prochaine ?
P.R. Oui, c’est ça.
Ma sœur, ça lui fait beaucoup de bien quand elle nous envoie ch….à la fin sur son monologue, elle dit : « Vous êtes vraiment des cons, tout ce que vous m’avez fait vivre depuis le début » ; elle se lâche, donc, effectivement, on accuse le coup, on se dit : « Ouah, c’était violent » et en fait, on s’aperçoit que la semaine prochaine, tout le monde va se retrouver pour bouffer et on va se redire les mêmes conneries.
Puis-je vous demander de nous raconter comment s’est fait le choix des prénoms de vos enfants ?
P.R. Alors, j’ai 4 fils de 32 à 16 ans qui s’appellent Valentin, Louis, Célian et Sacha.

Avec ma première épouse, on cherchait des prénoms qu’on aimait et surtout que notre enfant potentiellement pourrait aimer après. Il n’y avait pas de question de mode.
On n’a pas regardé sur le calendrier.
On était partis sur des choses simples sans connotation derrière.
Après peut-être que pour notre petit Sacha avec ma seconde épouse, on a inévitablement pensé à Sacha Guitry puisqu’on est comédiens tous les 2 mais rien de plus.
A l’instar de Vincent dans la pièce, avez-vous joué aux devinettes avec votre famille ? Leur avez-vous caché les prénoms longtemps ?
P.R. Non, il n’y avait rien de ludique là-dedans. On leur a dit : « Voilà on va l’appeler comme ça. » ; on ne l’a pas caché.

En conclusion, valideriez-vous cette phrase : On ne devrait jamais révéler le prénom à ses proches avant que l’enfant soit là ?
P.R. Je ne vois pas d’objection, je ne vois pas d’intérêt mais c’est propre à chacun : le cacher, on vous le dira quand il sera là, non, vous ne le saurez pas avant, je ne vois pas le but de la manœuvre.
Quand mes copains m’disaient : « Alors tu vas l’appeler comment ? », je leur disais : « Ben voilà, c’est pas encore fixé, on a encore 2 ou 3 prénoms qui bloquent, mais je pense que ce sera ça ou ça puis on se décidera au moment venu » mais y’a pas de volonté de cacher, de créer une pseudo-surprise qui pour moi ne sert absolument à rien.

Interview Catherine Ignaczak
Bénévole au Festival de théâtre en Val de Luynes

 Pour plus d’infos, consulter le site de la compagnie : https://lesarthurs-theatre.com/

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