Syvain BELTRAN-LAMY
Auteur, metteur en scène, comédien
SO CHURCHILL

Association Val de Luynes Evènement. Nous allons vous voir dans le cadre du festival interpréter « So Churchill ». Pouvez-vous en quelques mots vous présenter à nos festivaliers qui ne vous connaissent pas forcément ?
Sylvain Beltran-Lamy . Même pas du tout, j’en suis sûr. Pour me présenter, je suis auteur, metteur en scène et comédien. Je fais du théâtre depuis 1992. Donc, ça ne date pas d’hier. J’ai ma propre compagnie et mon propre théâtre qui est basé à Vichy. On crée nos pièces dans notre théâtre et ensuite, on les tourne un peu partout en France et à l’étranger, Churchill en fait partie. Voilà un peu le pedigree de l’homme que vous avez en face de vous.
AVDLE : Pourquoi Churchill et comment est né ce projet ?
S.B.L . Je me suis toujours intéressé à la Seconde Guerre mondiale. Il y a deux périodes dans l’Histoire qui m’intéressent particulièrement : la Révolution française et la Seconde Guerre mondiale. Et dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale, c’est surtout le fait d’un livre qui était sorti sur Churchill. Quand j’ai lu cette biographie, je me suis vraiment posé la question : « Que peut-on écrire, que peut-on écrire précisément sur Churchill que l’on ne connaisse pas aujourd’hui et qui apporterait quelque chose de nouveau, une grille de lecture un peu nouvelle sur l’homme et qui ne soit pas que sur la Seconde Guerre mondiale, ni sur lui en tant qu’homme d’État ? ». En traversant cette biographie, je suis tombé sur une ligne qui me parlait justement de cette fameuse femme que le public découvrira lors de cette pièce. Une petite ligne qui montre en quoi cette femme a énormément compté dans la vie de Churchill, de sa naissance jusqu’à ses 19-20 ans. Et j’ai envie de dire que c’est pendant cette période là qu’un homme se construit et que tout cet environnement d’éducation qu’a pu lui apporter cette femme, cette nurse, Mademoiselle Everest, a forgé de toute évidence l’homme d’État que l’on connaît, qui a su rayonner dans le monde entier avec ses failles, ses faiblesses, sa force, son analyse assez aiguë. Et donc, ça, ça m’intéressait parce que ça me permettait vraiment d’entrer dans le vif du sujet, dans ce qu’il y a de plus complexe du genre humain. Et c’est ça qui m’a intéressé pour parler de Churchill. Autrement, il y a des tonnes et des tonnes de documents sur sa manière d’avoir mené, entre guillemets, sa carrière politique. En revanche, de s’intéresser à vraiment ce qu’il y a de plus intime chez lui, ça n’a pas été vraiment traité, voir même pas du tout. C’est ça qui m’a vraiment guidé dans l’écriture de la pièce.
AVDLE : Vous parlez de la biographie écrite par François Kersaudi ?
S.B.L . Ben voilà, je parlais de la biographie qui pour moi est une vraie référence. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de voir François Kersaudi, mais alors, il imite à la perfection Churchill ! C’est impressionnant ! A croire qu’il a vécu avec lui toute sa vie. C’est saisissant. Il a vraiment su à la fois parler de l’homme tel qu’il était dans sa vie intime et à la fois du parcours de l’homme de guerre qu’il était.
AVDLE : On connaît le chef de guerre, l’homme des excès mais aussi sa relation ambigüe à De Gaulle.
S.B.L . Oui, ambigüe, remplie de respect. Et d’ailleurs, De Gaulle était là à son enterrement. Il était là, il était présent, ému, parce qu’il y avait du respect entre les deux. Mais il y avait aussi beaucoup de chamailleries, beaucoup de petits pics, parfois un peu corrosifs, il faut bien le dire, entre les deux. Mais c’est vrai que De Gaulle est dans la pièce, on le découvre vraiment. Je pense que sans Churchill, De Gaulle n’aurait certainement pas eu le destin qu’on lui connaît aujourd’hui. Et c’est ça qui est assez impressionnant. C’est lui qui a autorisé son appel à Londres. Et ça, je pense que De Gaulle l’a toujours gardé à l’esprit. Je pense qu’il en a toujours été reconnaissant, je vous dis, jusqu’à l’enterrement de Churchill. Et ça, c’est beau à voir. C’est-à-dire qu’il y avait de la chamaillerie, il y avait des visions parfois littéralement opposées, mais du respect, et ça, en politique, c’est quand même beau à souligner.
AVDLE : On a évoqué ce qui vous a amené à nous le présenter sous l’angle du bilan de sa vie à la veille de son prix Nobel. Mais pouvez-vous développer un peu plus ?
S.B.L . Si j’ai pris cet angle là, en fait, c’est aussi parce que je voulais m’adresser au grand public. Parce qu’on peut attirer des gens. On peut attirer des gens férus d’histoire, on peut attirer un public, mais vraiment passionné d’histoire. Cela m’intéresse. Mais ce qui m’intéresse aussi, c’est le grand public qui va dire : « Je ne connaissais quasiment rien de Churchill, sinon les grandes dates ». Mais là, on touche à ce qu’il y a de plus intime. Et donc, quand on touche l’intimité, on se projette sur sa propre vie. Je ne sais pas si vous, vous l’avez ressenti, quand vous avez vu la pièce, mais à un moment ou à un autre, il y a des épisodes de la vie de Churchill qui font écho parfois à des événements un peu privés. Parce qu’on connaît telle ou telle personne ou parce que dans un membre de notre famille, ça nous parle à un moment ou à un autre. Et donc, forcément, ça fonctionne.
AVDLE : Oui, c’est vrai que c’est une pièce qui fonctionne bien. En vous voyant incarner Churchill en seul en scène, on voit une véritable performance physique.
S.B.L . En fait, le plus dur, c’était au début, parce qu’on la joue depuis 2013.Vous allez travailler la posture, vous allez travailler la manière de vous mouvoir. Tout ça, ça se gère, ça s’apprend, on trouve le truc. Mais ce qui est très étonnant, c’est que même après toutes ces représentations, dès lors que je me maquille, c’est à peu près une heure et demie, je vois les traits de Churchill arriver et je ne m’appartiens quasiment plus, c’est limite schizophrénique. Je vous assure, ce n’est pas du tout ni mystique, ni quoi que ce soit. Je suis en train de faire mes grimaces, mes machins, je mets mon costume, je prends ma canne, mon chapeau, c’est terminé. Il n’y a plus de Sylvain. Je suis Churchill, même dans ma manière de me déplacer. C’est impressionnant quand même
AVDLE : Pour finir, vous avez joué la pièce au théâtre des Deux Ânes, qui est un théâtre très intimiste. Comment allez-vous aborder le fait de jouer en plein air et de rendre cette intimité avec le spectateur ?
S.B.L . Alors, jouer en plein air, en plus, pour cette pièce là, ça convient parfaitement. Le décor se passe en extérieur, dans un cimetière. Donc, il y a ce bruit, le bruit de la nature qui sera là et qui va donner une profondeur encore plus importante à la pièce. Quand il y a parfois des petites brises de vent, quand il va y avoir des feuilles qui vont un peu se déplacer ; tout ça fait partie d’une ambiance qu’un metteur en scène rêve d’avoir sur un plateau de théâtre. Pour arriver au même résultat, c’est toute une machinerie importante. C’est-à-dire qu’on met des fois des ventilateurs pour essayer de faire un semblant de nature. Mais au-delà de ça, c’est extraordinaire, j’y vais sans difficulté aucune. Je suis impatient.
AVDLE : Votre prochaine pièce ?
S.B.L . C’est une pièce que j’ai écrite sur les frères Goncourt. Là, on est en pleine répétition avec Patrick Préjean et Pierre Douglas. On va la jouer dans notre théâtre de Vichy les 8, 9 et 10 août et après on partira pour une tournée. On sera normalement sur Paris à partir de fin janvier 2026 soit au Théâtre de Passy soit au Théâtre de la Seine Parisienne où je joue actuellement Churchill.
Interview réalisée par Patrick
Bénévole au Festival de théâtre en Val de Luynes