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       Gilles DYREK

         Auteur, metteur en scène, comédien

 

UNE BONNE BIERE

Photo Jérôme de Verdière

 

Association Val de Luynes évènement: Vous avez plusieurs cordes à votre arc, entre auteur, metteur en scène, comédien ; y en a t-il d’autres ?

Gilles DYREK. Je suis aussi, de temps en temps, formateur pour la prise de parole en public, liée aux compétences humaines et professionnelles.

Y a t-il une fonction que vous préférez, dans laquelle vous vous réalisez le plus ?

G.D. J’adore passer des journées à écrire. Quand je suis vraiment concentré sur un projet, ça dure et heureusement parce que ça dure des mois, voire des années d’écrire, il vaut mieux être passionné par ça et donc, c’est des très belles journées, en tête à tête avec les personnages et à travailler les constructions d’histoires. C’est vraiment un grand bonheur. J’aime bien aussi l’esprit de répétitions, c’est comme des colonies de vacances ; là, j’ai rarement  l’impression de travailler, que je sois comédien ou metteur en scène. Ça m’est arrivé de jouer au Petit Montparnasse une pièce que n’avais ni écrite, ni mise en scène. C’était « Aie » d’Attica Guedj où j’étais donc uniquement comédien et je peux vous dire que j’étais particulièrement heureux et détendu; c’était génial de faire ça.

Vous trouvez du plaisir dans tout,

G.D. Dans tout, oui, vraiment dans tout. J’ai participé en tant que comédien et auteur, surtout, à beaucoup de conventions d’entreprise. J’en ai vu tellement que j’en ai fait mon prochain spectacle qui s’appelle « Gagnant, gagnant », c’est une parodie de convention d’entreprise. On vient le 1er juillet dans votre région pour jouer « Une bonne bière » et le lendemain, on part au festival d’Avignon pour « Une bonne bière » et pour créer « Gagnant gagnant ».

 Y a t-il une pièce où vous avez endossé les 3 casquettes ?

G.D :  Ah, oui, oui, souvent. Là, c’est le cas, par exemple, pour « Gagnant, gagnant ».
C’était le cas dès mes premiers spectacles de sketches aux Blancs Manteaux, ça s’appelait « L’Éléphant s’enferme dans la salle de bains pour jouer avec les robinets » : je l’avais écrit, joué, mis en scène. On l’a joué pendant 1 an.
Après j’ai écrit « Le projet-titre provisoire » que j’ai mis en scène et même produit, donc, j’avais une 4e casquette. Après Les modernes, en 99, je faisais les 3 et j’avais demandé à Stéphan Meldegg, grand homme de théâtre, coproducteur, de superviser le spectacle. Après, avec la vie de famille, quand j’ai créée « La touche étoile » ; j’ai écrit et mis en scène sans la jouer pour être plus présent le soir à la maison et voir ma fille aînée. Et après, il y a eu « Venise sous la neige » que j’ai juste écrite et jouée en tournée. Je ne l’ai pas mise en scène au début puis reprise à un moment.
C’est selon les projets, ça se fait différemment.

Nous allons commencer par l’écriture : La compagnie des Arthurs présentera votre pièce « Venise sous la neige » à la soirée partenaires du 3 juin.

G.D : Génial ! Vous me l’apprenez ! Ils l’ont créée et mise en scène, il y a 20 ans. J’étais allé les voir au festival d’Avignon et on est devenus très copains. C’est encore mieux si on participe au même festival !

Comment vous est venue cette idée de créer ce quiproquo qui anime toute la pièce ?

G.D : C’est venu en 2 temps ; le quiproquo, c’est qu’elle ne dit pas un mot et on pense qu’elle est étrangère. écrire une 1ère pièce où il n’y avait pas de quiproquo et je trouvais qu’il me manquait un truc. Pourtant j’avais quand même réussi à la faire programmer par un théâtre, à la faire produire. Juste avant la 1ère répétition, j’ai dit « Je vais vous faire lire une nouvelle version ». C’est venu d’une réplique, à un moment comme elle ne parlait pas et qu’elle faisait la tête, un des chouchous chéris dit « Mais peut-être qu’elle n’est pas française ? ». Je n’avais pas exploité cette piste-là et je me disais : on n’a pas le droit aux fausses pistes dans les comédies donc je pourrais enlever la réplique, ça ne changerait rien. Donc il faut que j’aille voir derrière cette porte ce qu’il y a comme comédie possible et ça été hyper inspirant. Ça m’a embarqué là  où je ne pensais pas aller, c’est à dire une parodie satirique de la mode humanitaire ; c’était pas le projet au départ mais je me suis dit non, mais là ça va parler de ça, donc il faut y aller à fond. Ça illustre bien le fait que les projets sont tous des aventures d’écriture différentes les unes des autres et il y a beaucoup d’improvisations dans l’écriture et là c’était le cas. J’ai improvisé dans l’écriture à partir d’une pièce existante.

Et dans la 1ère version, l’invitée continue de ne pas parler ?

G.D : Non, elle s’est désamorcée, c’est en français, sauf que, ça raconte l’histoire d’une jeune femme très agacée d’avoir en face d’elle un couple complètement niais et qui n’arrête pas de s’appeler « chouchou ». Elle exige de son mec qu’il leur dise d’arrêter de s’appeler chouchou. C’est un pari : « S’ils redisent chouchou, je fais en sorte qu’ils ne se marient pas ». C’était de la méchanceté encore plus gratuite, c’était féroce et ça me faisait beaucoup rire mais à l’arrivée, je me dis que ça raconte plus de choses de parler, en plus c’était amusant d’inventer un pays, une langue et ça, je suis loin d’être le premier à l’avoir fait, d’ailleurs je me suis rendu compte après coup qu’Hergé avait inventé la Syldavie dans Tintin et Chaplin dans « Les lumières de la ville » où il doit chanter, il perd les paroles qui sont ses anti-sèches sur ses manchettes et donc il improvise une langue. C’est un truc vieux comme le monde et moi j’avais l’impression d’inventer un truc, en fait pas du tout et ça fait marrer.

En tout cas, ça marche très bien

G.D : C ‘était super amusant pour mettre en évidence une opposition entre 2 couples et notamment une opposition culturelle.

Souhaitiez vous au-delà de la volonté de susciter le rire, faire passer un message ?

G.D : Oui, c’est vrai, dans toutes les pièces, c’est pour ça que je n’en écris pas tant que ça parce que dès que je sens que ça ne raconte pas grand-chose, je ne vais pas plus loin. « Venise sous la neige », c’est une satire sociale.  Qu’il y ait quelque chose qui soit partagé, au-delà de la bonne humeur, mais qu’il y ait du sens dans ce qu’on fait ; une possibilité de s’adresser quand même aux gens, au-delà des situations amusantes et des personnages cocasses, que quelque chose soit raconté. Et c’est une bonne question à se poser, en fait, quand on écrit, de se dire « ok, ça, ça peut faire rire» ce qui est déjà très satisfaisant, mais « est-ce que ça peut toucher ? et comment faire pour que.. Et puis, petit à petit, un peu d’émotion, qui ne soit pas que l’émotion par le rire. ce soit plus touchant? » En général quand même, les grandes comédies qu’on adore, c’est qu’il y a quelque chose qui nous cueille à l’intérieur. Cela dit chez Feydeau et Labiche, il y a rarement de l’émotion ; c’est du génie comique pur.
Il faut trouver une mécanique d’écriture  qui soit tellement imparable qu’il n’y a même pas besoin d’émotion. Dans Venise sous la neige, il y a un peu cette chance -là, un peu miraculeuse; le sujet qui fait que, si t’es drôle, tout marche.

Gilles Dyrek, metteur en scène et comédien. Dans « Une bonne bière », vous excellez dans le rôle du frère crédule, naïf, est-ce un réel trait de votre caractère ?

G.D : Non, j’ai une forme de composition, une forme de clown pour trouver le rythme du personnage, sa respiration, sa façon de penser, j’en suis assez loin mais je ne suis pas super nerveux dans la vie et je ne suis pas super tonique non plus mais j’ai un peu plus d’énergie que le personnage quand même.

Comment vous définiriez-vous ?

G.D : Me définir moi ? Ou là ! Je ne saurai pas; ce qu’on dit de moi en gros c’est que je suis quelqu’un d’assez drôle et de très gentil, ça me suffit, moi. Après, les personnages, ce qui est extraordinaire, tous les comédiens diraient ça, c’est justement d’être quelqu’un d’autre que soi. Dans la pièce « Les Modernes »,  je me souviens du plaisir que j’avais à jouer d’énormes scènes de colère, qui étaient drôles en soi, mais quand même, c’était de la colère et je me disais, c’est génial, tous les soirs, à heure fixe, je peux vraiment me mettre en colère, ce que je ne fais jamais. Et pour « Une bonne bière » en plus d’interpréter un personnage drôle, il y a une émotion à trouver. La chance qu’on a avec le comique, c’est qu’on le sent quand ça passe, et le rire et l’émotion; le public est assez expressif, quand il est touché, on entend des Ohhhh… A la base, il y a le talent de Xavier pour créer des personnages et après, nous, on essaie de les rendre les plus humains possibles.

La comédie semble être votre genre de prédilection, avez-vous touché à un autre registre ?

G.D : Non, mais à l’intérieur de la comédie, je pense que mes comédies sont dans des registres différents ; Il y a eu par exemple des spectacles de sketches au départ un peu absurdes.
il y a eu une comédie un peu intellectuelle et franchement comique avec « Le projet titre provisoire », le pur vaudeville avec « Venise sous la neige », une comédie dramatique avec «Le retour de Richard III par le train de 9h24 ». Pour la 1ère fois, je faisais mourir quelqu’un, l’air de rien, c’est quand même très différent; c’est impensable dans « Venise sous la neige » qu’il y ait un mort.
Je ne sais pas si on pourrait dire que ce sont des pièces d’auteurs différents à chaque fois, mais on me l’a déjà dit. Dans « Gagnant, gagnant », c’est du comique pur, c’est du clown.
J’aime bien me balader à l’intérieur des différents registres de la comédie.

Avez-vous une projet d’écriture ?
G.D : La pièce « Gagnant, gagnant » est déjà écrite et en fin de répétition. On la répète ce soir, on joue demain à la comédie Bastille en showcase et vendredi je la retouche encore avant de l’envoyer à l’éditeur. Dès le départ, c’était l’idée de jouer un spectacle léger, facile à monter, drôle avec un groupe d’amis ; on est 3 de la même classe de l’école de théâtre dans le spectacle, plus Jean Gilles et Benjamin. Il y a un esprit de troupe même si je n’ai pas de compagnie, elle est informelle, mais elle existe quand même. C’était l’envie d’être tous ensemble sur scène. L’écriture, oui, il y en a toujours mais c’est des projections beaucoup plus lointaines.

La caractéristique du festival est de jouer les pièces en plein air .Y avez-vous déjà goûté ? Comment l’appréhendez vous ?

G.D : Moi, non, je n’ai jamais joué « Une bonne bière » en plein air,  mais j’ai déjà eu à jouer en plein air, très souvent. La 1ère pièce que j’ai jouée en professionnel c’était « Le malade imaginaire » au festival de Sarlat devant 1300 personnes, également sur les îles du Frioul à Marseille, dans plein d’endroits en plein air. Il y a des pièces qui s’y prêtent plus ou moins, pour «Venise sous la neige », ça s’y prête pas mal ; on peut élargir ; il y a besoin d’être un peu plus généreux en plein air mais il faut en même temps conserver les caractéristiques du jeu; c’est pas simple mais c’est faisable. Il y a des scènes un peu intimistes, des discussions 2 à 2, c’est là qu’il va falloir projeter un tout petit peu plus ; c’est que ça. C’est bien, c’est très bien.
Je me réjouis d’avance. Cette pièce est assez idéale pour ça parce qu’il y a un humour noir avec cette histoire du père qui vient de décéder et en même temps dans une famille ou la fratrie ne se voit jamais -et on comprend pourquoi- et qu’ils réussissent à s’engueuler sur le choix du cercueil, j’ai trouvé ça tellement drôle, j’adore. A jouer cette pièce, elle est étonnante parce qu’on se dit toujours qu’il faut avoir le trac avant de jouer, ça donne l’énergie, la concentration, mais quand même, il y a de quoi s’louper, il y a beaucoup de textes, une rythmique à respecter. C’est un plaisir euphorique; cette pièce  là, c’est euphorisant. Il y a le trac parce qu’on se dit faut faire gaffe à ne pas en faire des tonnes dans le jeu. Il faut caler, essayer de maîtriser pour que ça reste sincère ; c’est pas toujours facile parce qu’on adore faire rire ; faut se méfier du petit démon à l’intérieur qui veut encore plus de rire et en même temps, c’est jubilatoire de sentir que quoi qu’on fasse, il y a quelque chose qui parvient au public. La pièce est idéale pour ça : les personnages, l’enjeu, la situation, tout est destiné à faire rire.

        Interview réalisée par : Catherine
        Bénévole au Festival de théâtre en Val de Luynes