Photo Jérôme de Verdière

CYRANO DE BERGERAC

« Et je voudrais mourir un soir sous un ciel rose

En faisant un bon mot, pour une belle cause »

2 metteurs en scène et comédiens :

Benjamin KERAUTRET et Damien GOUY

Benjamin

C‘est auprès de Michel Duchaussoy qu’il débute en 2004. Depuis 2008, on le retrouve au Théâtre National Populaire notamment dans « Coriolan » de W. Shakespeare (récompensé par 3 Molières), « Don Juan » de T. de Molina, « Mai Juin Juillet » de D. Guenoun, « Louis Aragon », « Je me souviens et Bourvil,  ma p’tite Chanson » avec Damien Gouy.

Fondateur de La Ben Compagnie, il y fait depuis 2006 de nombreuses mises en scène : « Les 3 Mousquetaires » d’A. Dumas, « Ruy Blas » et « Marion de Lorme » de V. Hugo, « La paix du ménage » de Maupassant, « Le sicilien ou l’amour peintre » de Molière, « Au pays des merveilles » ! d’après Lewis Carroll …

Damien

Il se forme à l’ENSATT, promotion 65. En 2006, il entre dans la troupe du TNP et participe à une trentaine de spectacles sous la direction de Christian Schiaretti. Il joue notamment « Le Laboureur de Bohême » de J.V. Saaz et Catalinon dans « Don Juan » de Tirso de Molina. Au TNP, il est également dirigé par O. Borle, W. Nadylam, B. Freyssinet, C. Maltot, J. Brochen, C. Verdier et J. Rizoud. En 2013, il crée et interprète son spectacle « Louis Aragon », « Je me souviens et Bourvil, Ma p’tite chanson ». Il a participé dernièrement au TNP à « Bettencourt Boulevard » de Michel Vinaver ainsi qu’à « Antigone », « Ubu Roi » et il fut l’interprète du Franc-Archer de Bagnolet.

                           Un directeur d’acteurs

                              Fabrice EBERHARD

Sa formation :

L’ENSATT

Le CNSAD (conservatoire national promotion 1978 )

 

Prix et nominations :

  • Prix de la révélation 1977

  • Prix de la Ville de Paris 1978 (Prix Gérard Philippe)

  • Deux nominations aux Molières : catégorie « Meilleur Acteur dans un second rôle » -1988 et 1993-

  • Une nomination aux Molières : catégorie « Meilleur spectacle de création » en 2000

Par ailleurs, il a joué des premiers rôles ou des grands seconds rôles dans une vingtaine de spectacles théâtraux aussi bien dans le théâtre privé que dans le théâtre subventionné.
Il a tourné dans une trentaine de films et téléfilms. Il a dirigé une vingtaine de mises en scène aussi bien à Paris qu’en province. Il a dirigé le festival de Collioure de 2003 à 2013. Il exerce également l’écriture et il a fait une quinzaine d’adaptations et de traductions. Il est actuellement professeur dans deux écoles d’art dramatique « Choreia » et « In family school ».

Interview de Benjamin KERAUTRET

Comment s’est passée l’appropriation des lieux ?

C’était un peu complexe car il y avait une scène éphémère au milieu de ce jardin et cette jauge de 600 places était un peu terrifiante, en plein air comme ça, mais on a bien travaillé la veille pour la mise en place. On avait quand même un doute vocalement, de savoir si on pouvait y aller. Il y avait un léger soutien par les micros qui étaient à nos pieds, ce n’était pas un théâtre antique avec une acoustique particulière.

Benjamin, pouvez-vous nous expliquer votre parcours de comédien et de metteur en scène ?

J’ai passé un bac ES (économique et social), puis j’ai fait deux années à la faculté de Caen puisque je suis originaire de Normandie, un DEUG Arts du spectacle et en parallèle j’avais commencé une école à Paris et là, un acteur Fabrice Eberhard, nominé deux fois aux Molières, m’a pris sous son aile. J’ai eu cette chance là, tout jeunot ; le deal avec lui c’était « toi tu fais la musique de mes spectacles et moi je te forme comme comédien ». On a vécu pendant deux ans comme ça, il m’a formé comme acteur.

Je voyais comment il travaillait ses mises en scènes, je l’aidais et on a travaillé main dans la main.  C’était très agréable et ensuite je suis rentré au Conservatoire du 11ème arrondissement de Paris. Je suis tombé sur une génération qui a donné pas mal d’acteurs, dont la plus connue est Blandine Bellavoir, qui a fait entre autres « Les petits meurtres d’Agatha Christie ». Ce fut une génération qui a beaucoup travaillé, qui s’est beaucoup amusée. Il y avait aussi Salomé Villiers qui a eu le prix de la révélation aux Molières de l’année dernière. On était un petit groupe comme ça qui travaillait fort mais avec plein de joie de vivre. Je crois que je suis tombé dans les bonnes années.

Là c’est mon cursus un peu bref en tant que comédien.

Pour la mise en scène, c’était assez drôle, j’avais commencé avec Fabrice Eberhard. Et en fait au conservatoire après (j’étais un peu plus vieux que les autres), ils se sont aperçus que moi, j’aimais bien travailler avec les copains et donc tous les matins, je mettais en scène les ¾ des scènes des copains avant qu’ils présentent leur travail aux professeurs. C’est comme ça que je me suis retrouvé à travailler la direction d’acteurs. C’est un peu un melting pot de tout ça. Par la suite j’ai eu la chance de travailler à l’Opéra de Limoges et j’ai été vraiment bouleversé par cet art, que je trouve un peu « l’art ultime », c’est à dire que j’ai une grande admiration pour les chanteurs d’art lyrique et du coup, j’ai voulu travailler un peu ça. Puis je me suis retrouvé assistant à la mise en scène, stagiaire pour apprendre à l’Opéra Bastille sur un opéra qui était en création « Le Roi Arthus » sur un livret d’Ernest Chausson et à l’intérieur, il y avait quand même Roberto Alagna. J’ai côtoyé de grands professionnels pour lesquels j’avais beaucoup d’admiration et qui m’ont montré un niveau d’exigence incroyable pour un jeune acteur ou un jeune metteur en scène ; c’est formidable  de rencontrer ces bêtes de scène-là.

Cyrano est une toute nouvelle création pour vous avec Damien Gouy, en 2018. Comment avez-vous travaillé en amont sur une pièce que nous, spectateurs, connaissons bien à travers le théâtre et le cinéma ?

Nous avions deux angles d’attaque : d’abord c’était le centenaire de la mort d’Edmond Rostand et on voulait essayer avec Damien de faire un événement, l’autre chose, c’est un vrai rêve d’acteurs. 95% des acteurs rêvent de jouer Cyrano, c’est un rôle un peu ultime et on sait très bien qu’il y a très peu d’élus. Alors on s’est dit qu’on allait se l’offrir. Donc on a appelés les copains qui étaient un peu fous comme nous pour leur dire qu’on allait tenter l’impossible. Ils ont tous répondu d’accord pour jouer cette pièce. Donc en amont, l’angle d’attaque, vu que Cyrano est une histoire vraie, Cyrano a vraiment existé, c’est qu’on s’est aperçus qu’on avait l’âge des rôles, mais à la fin de la pièce. Parce que la pièce dure 14 ans, du 1er au 5ème acte, donc on avait l’âge de Cyrano. Le vrai Cyrano à l’hôtel de Bourgogne, au premier acte a 21 ans. Donc c’était un peu rigolo, on avait une équipe très jeune. On voulait jouer là-dessus car on donne souvent Cyrano à des personnes qui ont plus de 45 ans. Les producteurs ont besoin de quelqu’un capable de tenir le rôle. Nous, on allait chercher des comédiens amis qui avaient eux aussi cette folie-là. On va y arriver !

En 2019, vous avez eu l’opportunité de la jouer à la Villa Arnaga pour le centenaire de la mort d’Edmond Rostand.

On a été récompensés car à la première, il y a eu les amis de la Villa Arnaga qui ont décidé que ce serait nous qui allions célébrer dans ce lieu le centenaire de la mort d’Edmond Rostand. On a joué devant 600 ou 700 personnes. Ils nous ont redemandé l’année dernière et ce sont des cadeaux après avoir travaillé dur pour monter ce spectacle. On a une jouissance de pouvoir le jouer et quand on est récompensés par le public et par une institution nationale, c’est quand même un musée national, on est très heureux de ça.

Comment justement un metteur en scène travaille-t-il avec une pièce en tournée ?
Par quoi commence-t-il ?

 Il commence par réfléchir à la tournée justement, à la scénographie, surtout quand on commence avec des petits moyens. On se dit comment on monte une pièce en 5 actes avec 5 décors et en même temps, arriver à faire une tournée. Alors on a joué sur des modules mobiles sur roulettes. Sinon tous les décors sont déjà là dès le premier acte et on les bouge de place et ça devient autre chose. Comment expliquer ? Par exemple un décor de l’hôtel de Bourgogne en le tournant de sens, va devenir l’entrée de chez Ragueneau, puis ça va servir dans l’acte 3, à la maison de Roxane. C’était rigolo de travailler cette scénographie.

Y-a-t-il dans cette pièce des rouages ou des ressorts à ne pas oublier ?

Ce qui revient souvent, c’est qu’on se dit : « Tiens, c’est une pièce assez drôle ». Est-ce que ça vient de notre jeunesse ou est-ce qu’on l’oublie ? Ma génération a été marquée par Depardieu, puis avant par Jacques Weber ou Belmondo. En fait on est remontés très très loin pour être influencés, jusqu’au premier : Coquelin  et ne pas oublier: on a retrouvé une vidéo où il déclame vraiment le texte. La manière de dire était différente. Le gros du travail, d’abord, c’était de ne pas oublier les vers, les pieds du texte, c’est quelque chose à laquelle on tient, faire entendre cette poésie qui est en réalité une partition. Rostand nous offre une partition. Ça c’est la première chose qu’on va essayer de respecter. Une fois qu’on a respecté ça, on s’est aperçus qu’à l’intérieur, il y a des rouages comiques qu’il ne faut pas louper. Il y a un peu de personnages comiques, un peu de bouffonnerie de temps en temps qu’il faut utiliser. Donc ça c’est les deux choses qu’on a travaillées longuement et puis le drame qui en fait est sous-jacent depuis le début. Ce rouage, c’était le gros travail de texte, avec Damien en permanence, l’important c’était de faire réentendre le texte, les mots, on tombe quand même sur un monument que de nombreuses personnes connaissent.

Dans votre compagnie, vos comédiens jouent souvent plusieurs rôles, est-ce qu’ils ont leur mot à dire sur la mise en scène ou se laissent-ils juste diriger ?

Alors Cyrano a été très particulier car j’ai débuté le travail mais comme je joue Cyrano, j’ai finalement refilé le bébé à Damien qui a pris les décisions. On discutait beaucoup le soir quand on était ensemble mais c’était lui qui avait l’œil. On parle de troupe, ce qui est très important pour nous, parce qu’évidemment on laisse une part de création aux acteurs, on les écoute, on ne peut pas acquiescer tout le monde mais ils ont une petite part de création et puis  ils nous comprennent, on gagne un temps énorme quand on connaît un acteur, quand on travaille, on leur dit des choses, ils savent très bien de quoi on a envie, on peut les bousculer. Mais il y a une part de création pour les acteurs, une petite part !  (rires)

D’ailleurs, entre parenthèses, vous êtes habitués avec Damien aux « monuments » avec Devos?

Exactement avec Devos, c’était particulièrement difficile, au niveau de l’articulation, de la pensée et du rire. Ce n’est pas simple à travailler Devos. Mais on a la possibilité en tant qu’acteur de manipuler ces textes, de choisir ces textes et quel bonheur de travailler Devos ou Rostand.

Oui je crois qu’on est privilégiés en France car nous acteurs, on se fait plaisir avec les auteurs qu’on aime bien.

Comment expliquez-vous notre engouement pour les histoires de cape et d’épée, quand on voit aussi le succès des Trois Mousquetaires au cinéma aujourd’hui ?

Je crois que c’est de l’inconscient, une sorte de Madeleine de Proust. J’ai l’impression que tous les garçons veulent être D’Artagnan et les petites filles Milady, Roxane ou des reines de France. Et puis il y a aussi la bagarre, la poésie et l’amour. L’amour est toujours très important dans ces histoires là ; chez D’Artagnan il y a des histoires d’amour un peu partout, dans Cyrano aussi. On touche au sublime. D’Artagnan, Cyrano, c’est une sorte de coffre à jouets avec tout dedans, les capes, les épées et puis une histoire formidable.

C’est vrai qu’on peut être sauvés par un texte très bon. Moi, j’étais un peu terrifié, à me dire : est-ce-que je peux être à la hauteur d’un tel texte qui est absolument sublime ? Et bon, au bout d’un moment, il faut se détendre et y aller avec ses armes, et on verra. Mais c’est sublime, absolument sublime.

Pour finir, quel est votre meilleur souvenir en tournée avec cette pièce ?

Moi j’adore jouer sous les étoiles, le plein air ; c’est vraiment sublime, quand on se retrouve dans la villa Arnaga, avec autant de monde et qu’on peut jouer la tirade d’amour du 3ème acte de Cyrano à Roxane sous le balcon, sous les étoiles du pays basque. Ça, c’était un moment très très fort pour moi. Il y a des moments comme ça, ça restera à jamais, quoi qu’il arrive maintenant pour moi dans ma vie, ça restera un moment fort pour moi en tant qu’acteur.

C’est une pièce qui parle à tout le monde. On a toujours fait des jauges assez conséquentes ; on a même vu des gens venir avec des bébés. On n’a pas compris. Mais c’est amusant. Les gens ont envie de voir ou revoir Cyrano. En tout cas on est très heureux de venir.

Interview réalisée et rédigée par Valérie Petitpez, bénévole au Festival de théâtre en Val de Luynes.
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